Refondation de l’école

Ce que le projet de loi ne précise pas …

Dans le cadre du projet de loi sur la refondation de l’école, nous avons cherché à comprendre, dans le cadre d’un article rédigé pour Ludovia  Magazine, comment sont aujourd’hui perçues ses nouvelles mesures du numérique par les collectivités territoriales, et quelles en seront les répercussions sur leurs organisations logistiques et financières.

En effet, parmi les mesures du projet de loi d’orientation et de programmation sur la refondation de l’école, présentée mercredi 23 janvier au conseil des ministres, le numérique tient une place de choix tant dans l’enseignement avec « la création d’un service public du numérique, le développement des contenus numériques pédagogiques, une formation au (et par) le numérique des personnels de l’éducation, et une coordination des actions de l’Etat et des collectivités territoriales en faveur de l’enseignement numérique ».

Globalement  l’ensemble de la communauté éducative et des collectivités territoriales saluent l’initiative de Vincent Peillon d’inscrire à présent dans la loi le principe d’une éducation numérique pour tous les élèves, et de vouloir intensifier les élans donnés par ses prédécesseurs en développant « une grande ambition pour le numérique à l’Ecole (…) pour enseigner par le numérique et enseigner le numérique ». Tous reconnaissent la volonté  d’institutionnaliser pour la première fois ce volet pédagogique.

L’ADF et l’ARF pour un transfert des compétences

Mais développer une grande ambition pour le numérique dans l’Education, donc des usages dans les écoles collèges ou lycées, suppose bien évidemment un développement des équipements en matériels, infrastructures et logiciels  et   la maintenance qui y est associée.

Le  Chapitre II du projet de loi consacre de nouveaux articles à la coordination des actions entre les collectivités territoriales et l’Etat et donne à cet effet aux départements et aux régions, la charge de l’acquisition et de la maintenance des matériels informatiques et des logiciels prévus pour leur mise en service dans les collèges et les lycées.

Equiper les établissements scolaires de matériel informatique engage d’importants investissements, mais c’est la délicate question de la maintenance et des centaines d’emplois indispensables pour assurer la continuité de service de ces équipements qui reste dans l’état actuel du projet de loi, un point névralgique pour sa mise en œuvre.

Suite aux remarques de la CCEN, le ministère reconnaissait d’ailleurs  l’existence d’un « flou au niveau législatif, sur la question de savoir qui, de l’Etat ou des collectivités territoriales, est compétent en la matière ».

Mais si l’ARF et l’ADF sont favorables à une clarification des compétences, celles-ci contestent largement la présentation qui en est faite dans le projet de loi. Selon elles, celui-ci devrait « préciser clairement qu’il s’agit d’un transfert de compétences, ce qui de ce fait impliquerait une compensation financière de l’Etat ».

Pourquoi cette précision des représentants régionaux et départementaux ?

Suite au lancement du plan « Informatique pour tous » en 1985, le code de l’Education précisait en 2004 que l’Etat prenait en charge le premier équipement informatique. Aussi, le législateur considère qu’il revient aux départements et régions d’équiper et de maintenir les équipements qui se sont succédés depuis.

Raisonnement qualifié de « spécieux » par l’ARF qui précise : « L’Etat s’appuie là sur cette disposition, pouraffirmer qu’il n’a donc la responsabilité de la maintenance que de ce premier équipement, disparu depuis bien longtemps »

Selon les associations territoriales, on ne peut assimiler les équipements informatiques d’il y a 30 ans avec ceux liés aux technologies d’internet, qui depuis les années 2000 ont totalement transformées nos modes de communication, donc les besoins de maintenance des matériels.

Et l’ARF, de poursuivre : « L’Etat a d’ailleurs consacré, suite au « plan informatique pour tous » d’importantes sommes à l’acquisition d’équipements informatiques divers. Un décret (D.211-14 et 211-15), ne peut restreindre son champ d’application aux premiers équipements, sauf de manière purement indicative (cf. jurisprudence du Conseil d’Etat) ».

Les départements et les régions ont exprimé auprès du ministère leur opposition à prendre en charge l’acquisition et la maintenance informatique des infrastructures des collèges et des lycées, à moins que ne soit effectivement reconnu le transfert de compétence qui donne alors lieu à une compensation financière.

Inquiétude du côté des communes

Du côté des communes, on s’inquiète dans le projet de loi d’une absence de précision concernant la coordination de ces actions de l’Etat et des communes.

Pascale Luciani Boyer, en charge des questions Education et Numérique à l’AMF, qui reconnaît au texte de Vincent Peillon une véritable volonté politique de faciliter les usages du numérique dans le primaire, regrette qu’aucun article ne vienne préciser le rôle des communes dans l’équipement informatique et numérique ainsi que dans l’orchestration de la maintenance, ni soutenir les collectivités dans cette initiative à travers un quelconque engagement de l’Etat.

Les communes ont en effet à ce jour selon la loi en vigueur obligation d’assurer dans les écoles les équipements nécessaires aux enseignements, sans pour autant avoir la charge de développer des projets informatiques.

« Quelle mesure incite les communes à donner aux enseignants les moyens nécessaires de travailler avec le numérique,  demande Pascale Luciani Boyer et  à ne pas laisser leurs écoles avec un tableau noir et une craie ? Les textes en l’état n’encadrent pas les communes en ce sens et rien ne leur permet non plus de se sentir épaulées si elles décident de s’engager dans cette dynamique».

Pour sa part, la SE-Unsa, qui milite pour la réduction de la fracture numérique rappelle que les petites communes ne pourront financer les parcs informatiques ou les outils numériques qui seront nécessaires aux usages du futur service public du numérique ni assurer la maintenance, qui « trop souvent fait appel aux bonnes volontés ».

Les petites communes ont d’ailleurs fait savoir qu’elles ne pourraient pas assumer ce rôle et demanderaient à l’Etat de le faire.

Dans le cadre des actions que les collectivités engageront sur le développement du numérique dans les établissements scolaires, nous vous proposons de poster à cette adresse mfb@amotice.com  vos réflexions et questions afin par la suite de vous donner la parole dans les colonnes de Ludovia Magazine pour lequel nous tenons une rubrique et de vous apporter, si ce n’est des réponses, au moins un partage des réflexions et des expériences des autres collectivités.